Passer au contenu

Mauvais racisme, bon racisme par Tarek Schwartz

Hier, le non-vacciné était le Diable. Aujourd’hui c’est le russe, illustration de la double morale allemande.

Traduction et adaptation en français d’un texte allemand écrit Tarek Schwartz

En 2020, l’ancien gouvernement fédéral décide qu’il est temps de durcir la lutte contre le racisme et l’extrémisme de droite.

On estime que la résolution nécessite un investissement d’un milliard d’euros pour être menée à bien.

Selon la ministre de la Défense Christine Lambrecht (SPD), cet argent doit permettre d’ici 2021 et 2024 d’enrayer ce qu’elle considère être le plus grand danger menaçant la démocratie.

Concrètement, l’urgence est de lutter contre la montée de l’islamophobie tout en s’efforçant de protéger les victimes.

Dès la dépense approuvée, le cabinet du gouvernement fédéral dresse une liste de 89 mesures que l’État est censé mettre en œuvre à l’aide de ces fonds.

L’ensemble des mesures énumère quatre objectifs principaux.

Ces jours-ci, le quatrième enjeu résonne particulièrement étonnante :

« Reconnaître et valoriser une société diversifiée et équitable, et renforcer l’égalité des chances pour les personnes issues de l’immigration. »

Avant 2020, la première question que je me serais posée, aurait été : Qu’est-ce qu’une société permettant l’égalité des chances ?

Aujourd’hui, la question qui me brûle les lèvres est plutôt : Qu’est-ce qui fait penser au gouvernement que la reconnaissance et l’estime puisse être imposée par le haut ?

Un milliard d’euros sur une période de quatre années, c’est 250 millions d’euros par an.

Nos politiciens croient-ils vraiment que le succès d’une mesure est lié à la taille du paquet financier ?

Si c’était le cas et si l’argent était vraiment un facteur décisif, à ce jour, l’Allemagne devrait avoir vaincu le problème du racisme.

Application russe

Le traitement actuellement appliqué à tout ce qui est connoté russe démontre que ce n’est pas le cas.

Et il est vraiment étonnant de découvrir à quelle vitesse il est possible de changer d’ennemi.

Hier encore, le non-vacciné était l’incarnation même de Belzébuth. Luther, lui-même, lui aurait jeté un deuxième encrier (1).

Aujourd’hui, c’est tout ce qui ressemble de près ou de loin à un Russe qui est abhorré.

Les réactions à l’attaque de Poutine contre l’Ukraine sont en partie si absurdes que l’on peut se demander si elles sont franchement sérieuses…

Par exemple…

• Les représentants de la grande distribution allemande que sont Penny, Netto, Aldi et Rewe veulent retirer de leurs rayons tous les produits fabriqués en Russie (y compris la Vodka).

• Le musée germano-russe de Berlin Karlshorst a supprimé l’inscription « germano-russe » de sa devanture. En outre, les exploitants ont remplacé le drapeau russe qui flottait devant l’entrée par le drapeau ukrainien.

• Un boulanger a décidé de rebaptiser son « gâteau russe à la crème pralinée » en « gâteau à la crème pralinée ».

L’ensemble de ces ripostes sont motivées par la même volonté de prendre part et de prendre position.

Toutefois, il ne s’agit en aucun cas d’un engagement pacifiste sérieux. Il est plutôt question ici de se donner bonne conscience en se contentant d’un geste symbolique.

Ceux qui en doutent pensent-ils vraiment que Vladimir Poutine est en train de verser des larmes pleure assis dans son fauteuil parce que les chaînes de magasins allemands ne vendent plus de vodka ?

Par ailleurs, quel peut bien être le niveau de reconnaissance des Ukrainiens épuisés par plusieurs mois de conflits à l’idée de ne pas avoir à manger de gâteau russe ?

Et puis, pourquoi le musée russo-allemand ne ferme-t-il pas complètement ses portes ? En effet, un changement de drapeau national sur le parvis ne rend pas pour autant moins russe le contenu qui se trouve entre les quatre murs du musée.

Si les choses en restaient là, on pourrait tourner tout cela en dérision et gagner le grand prix de la comédie allemande.

Malheureusement, l’ostracisme envers les Russes prend aujourd’hui des traits aussi dramatiques que celui subi précédemment par les personnes non vaccinées…

• Un restaurant dans le Bade-Wurtemberg refuse de servir à manger aux personnes ayant un passeport russe. Le journal local BNN rapporte qu’ils sont indésirables.

• Par solidarité avec l’Ukraine, l’université Bauhaus de Weimar suspend toute coopération avec la Russie.

• L’université d’Erfurt demande à ses étudiants russes ne pas se rendre en Allemagne.

• L’université Friedrich-Schiller d’Iéna ordonne la suspension de 21 projets d’études germano-russes et annule même les voyages qui étaient programmés dans le domaine de la recherche.

• Le service allemand d’échanges universitaires (DAAD) a également cessé de soutenir financièrement les projets russes.

• L’Opéra d’État de Bavière a licencié la chanteuse de classe mondiale Anna Netrebko parce qu’elle ne s’était pas suffisamment distancée de Poutine.

• L’ambassade de Russie a dressé une liste de douze incidents racistes entrepris pris contre la Russie ou les Russes au cours des dernières semaines.

Je ne peux pas juger de la véracité de ces informations, mais je les considère comme réalistes, eu égard aux événements actuels :

• À Wuppertal, Natalia a été traitée de fasciste de Poutine par ses voisins, qui lui ont recommandé de quitter l’Allemagne.

• À Münich, Le professeur Ortrud Steinlein, directrice de l’hôpital universitaire Ludwig Maximilian, a publié une déclaration dans laquelle elle refusait de traiter ses patients russes.

• Des lettres de haine sont adressées aux Russes, leur demandant de faire leurs valises et de partir pour Moscou. Les Allemands écrivent que les Russes ne deviendront jamais allemands. L’intégration des Russes serait impossible et leur place dans l’archipel du Goulag.

• Hambourg : Anna, directrice d’une école russophone, a été bousculée par un passant agressif et est tombée sur la chaussée.

• Evgenia rapporte qu’un groupe de chauffeurs de camions ukrainiens appelle sur Facebook à rendre visite aux Russes vivant en Allemagne en diffusant leurs données de localisation.

• Munich : Maria est musicienne, durant un concert quelqu’un lui demande si elle n’a pas peur d’être arrêtée en raison de ses origines russes.

• Irina vit en Allemagne avec ses quatre enfants, elle a été traitée de fasciste parce qu’elle est russe.

• Ina et les membres de sa famille sont traités de “sales Russes” par leurs voisins allemands.

• Victoria raconte que sa fille a pleuré en raison de propos russophobes promulgués en cours à l’encontre des citoyens russes et en raison du conflit avec l’Ukraine. Après les cours, les autres élèves ont harcelé la jeune fille sur Messenger en exigeant qu’elle déclare dans quel camp elle se trouve.

• Selena a fait savoir que son fils de neuf ans était harcelé par ses camarades parce qu’il parlait russe et était donc un ennemi.

• Bad Nauheim : Svetlana fait savoir que son fils a dû répondre correctement à des questions sur la guerre en Ukraine pour obtenir une bonne note sur son bulletin scolaire.

• Des véhicules portant des plaques russes sont victimes de vandalisme.

Maintenant, vous connaissez le bénéfice des 500 millions d’euros déjà investis contre le racisme… Vous savez aussi que l’argent n’est pas un facteur décisif. La reconnaissance et le respect ne se décrètent pas et ne s’achètent pas.

En revanche, vous savez que l’on peut aisément instrumentaliser à des fins politiques considération et respect, en attribuant ces dispositions à certains groupes politiques plutôt qu’à d’autres.

Soudainement, ce ne sont plus les droits fondamentaux et les droits universels qui déterminent qui mérite reconnaissance et estime, mais des politiques identitaires comme l’appartenance à un groupe, l’origine ou la position politique.

C’est ainsi que la décision de refuser un traitement médical devient un acte irresponsable. Une mauvaise origine devient quant à elle un problème car vous avez été délibérément mis dans le même panier qu’une personne avec laquelle vous ne vous êtes pas suffisamment distancié.

Le niveau baisse

Vous me traiterez probablement de naïf, mais je pensais sincèrement qu’en Allemagne, certains points étaient établis, comme le fait que la décision erronée d’un chef d’État ne soit pas imputée à tout un peuple.

Imaginez un instant ce qui se passerait si l’on traitait les Allemands d’origine turque de cette manière parce que Erdogan avait encore fait une ânerie.

Je pensais que la plupart des gens réfléchissaient sérieusement aux conséquences de leurs actes avant d’essayer, par excès de confiance, de s’immiscer dans la politique mondiale.

Je pensais que le temps où nous réduisions les autres à une caractéristique qui ne nous plaisait pas étaient dépassés.

Je pensais que les Allemands avaient compris que le chantage déclenchait soit la résistance, soit la suppression de la liberté et de la diversité.

Mais apparemment, rien de tout cela ne va de soi.

Au contraire, la réinterprétation orwellienne du langage se poursuit, exactement de la même manière que lors de la crise du coronavirus.

L’exclusion, c’est la solidarité.

L’insulte est la justice.

La contraction du langage est preuve de moralité.

Et les ruines de la pensée critique sont métamorphosées en diversité.

Question idiote

Bien que rien ne me soit plus déplaisant que la pensée assistée, j’ai l’impression que beaucoup de gens en ont besoin. En effet, car celui qui pense avoir le droit de diaboliser l’ensemble des Russes ou la Russie parce que Poutine vient de déclencher une guerre, ne peut pas penser clairement.

Pardonnez-moi donc si je me sens obligé de poser quelques questions :

• La nationalité d’une personne permet-elle de tirer des conclusions sur son opinion vis-à-vis de la politique actuelle de son pays d’origine ?

• Une position critique sur des sujets politiques sensibles suffit-elle à condamner une personne ?

• La posture est-elle plus importante que la recherche de la vérité ?

• Quelle est l’efficacité d’une politique d’ouverture si elle utilise des méthodes de sociétés renfermées ?

• Une personne doit-elle répondre à certains critères avant de pouvoir bénéficier du même traitement que les autres ?

• Et enfin : Comment s’appelle le chien d’Obélix ?

C’est une blague bien sûr… Jamais je ne vous poserai ce genre de question. Car vous ne devriez pas lire de BD française. En effet, Macron est un Young Global Leader qui s’amuse à faire de la rhétorique guerrière et qui veut emmerder les non-vaccinés.

Vous ne devriez donc plus jamais toucher à des albums d’Astérix, car cela fait de vous un complice de Macron.

Si vous le faites malgré tout, vous devriez vous distancer au plus vite de Macron, sinon vous pourriez perdre votre travail.

Pensez-y.

En attendant, je vais me regarder une vieille VHS du Père Frimas, pleurer sur le premier concerto pour violon de Tchakoïvski, admirer les meilleurs tableaux d’Ivan Chichkine, croquer dans du pain russe et, pour m’endormir, lire Souvenirs de la maison des morts de Dostoïevski.

Tarek Schwarz

(1) Martin Luther, né en 1483 est un frère augustin, initiateur du protestantisme et réformateur de l’Église dont les idées exercèrent une grande influence sur la Réforme protestante et qui changèrent le cours de la civilisation occidentale. Dès son enfance, Luther se disait harcelé par des diables, des mauvais esprits et des démons. Il leur attribuait ses dépressions et ses sautes d’humeur ; il se défendait contre les attaques permanentes par la prière, le “chant joyeux” ou, de manière plus rigoureuse, par le jet d’un encrier.

Source : https://kaisertv.de/2022/03/15/guter-rassismus-schlechter-rassismus-tarek-schwarz/

Image tirée du film Le Père Frimas d’Alexandre Row (1964)

Laisser un commentaire

74 + = 77

Share via
Copy link
Powered by Social Snap